Le voyage dans l'est / Chrisyine Angot

Pour cette fois, c'est un coup de coeur en même temps qu'un coup de gueule.
Depuis des années, Christine Angot construit son oeuvre, en forme d'auto-fiction, autour de l'inceste qu'elle a subi étant enfant, traumatisme dont elle ne se défait pas, qu'elle creuse, interroge, encore et encore, sans relâche, n'épuisant jamais le sujet et les traces qu'il a laissées dans sa vie de femme. Cela donne des romans secs, abrupts, parfois dérangeants par leur crudité, mais qui me paraissent indispensables, car, en plus de permettre à Christine Angot de faire littérature avec son vécu, et peut-être ainsi d'apaiser les plaies, ses romans contiennent une interrogation salutaire sur la place de l'inceste dans la société, comment il peut agir, comment il peut acter parfois une domination sociale et patriarcale. Les mots de Christine Angot n'apportent pas de réponse à ce sujet, mais la question est ouverte, élargissant ainsi la propre expérience de l'autrice.
Il se trouve aussi que Christine Angot est une personnalité médiatique, dont les interventions ont pu paraître fort peu aimables ici ou là. Et cet aspect de sa personnalité impacte le rapport que l'on peut avoir avec son oeuvre : « Elle n'est pas sympa, donc je n'ai pas envie de la lire... », ai-je entendu parfois. Et c'est vrai qu'il est difficile de séparer l'artiste de l'oeuvre, surtout quand l'oeuvre reflète la vie de l'artiste de façon si tenue.
Mais voilà qu'on nous invite, dans les médias, pour un festival de BD à venir, à séparer l'artiste de l'oeuvre afin d'apprécier une exposition d'un auteur reconnu, mais aux propos pour le moins dérangeants, voire nauséabonds sur la pédocriminalité et l'inceste (légitimés puisqu'il s'agit de fantasmes).
Alors, je vous invite à découvrir ou redécouvrir l'oeuvre de Christine Angot, à faire fi de vos réticences quant à sa personnalité et à des propos qu'elle a tenus sur nos écrans, à vous confronter à la réalité de l'inceste dans ses dimensions vécues, triviales et scandaleuses. Cette question-là, de l'artiste, de l'oeuvre, ne sera pas résolue dans l'actualité du moment. Mais, sur ce sujet de l'inceste, il me paraît incontournable de laisser la place aux mots de l'expérience, aussi difficiles soient-ils à lire et à entendre, et de museler, autant que faire se peut, les autres paroles, que rien, pas même le fait qu'elles ressortent du fantasme, ne peut valider. Laurence (le 14 décembre 2022)
Depuis des années, Christine Angot construit son oeuvre, en forme d'auto-fiction, autour de l'inceste qu'elle a subi étant enfant, traumatisme dont elle ne se défait pas, qu'elle creuse, interroge, encore et encore, sans relâche, n'épuisant jamais le sujet et les traces qu'il a laissées dans sa vie de femme. Cela donne des romans secs, abrupts, parfois dérangeants par leur crudité, mais qui me paraissent indispensables, car, en plus de permettre à Christine Angot de faire littérature avec son vécu, et peut-être ainsi d'apaiser les plaies, ses romans contiennent une interrogation salutaire sur la place de l'inceste dans la société, comment il peut agir, comment il peut acter parfois une domination sociale et patriarcale. Les mots de Christine Angot n'apportent pas de réponse à ce sujet, mais la question est ouverte, élargissant ainsi la propre expérience de l'autrice.
Il se trouve aussi que Christine Angot est une personnalité médiatique, dont les interventions ont pu paraître fort peu aimables ici ou là. Et cet aspect de sa personnalité impacte le rapport que l'on peut avoir avec son oeuvre : « Elle n'est pas sympa, donc je n'ai pas envie de la lire... », ai-je entendu parfois. Et c'est vrai qu'il est difficile de séparer l'artiste de l'oeuvre, surtout quand l'oeuvre reflète la vie de l'artiste de façon si tenue.
Mais voilà qu'on nous invite, dans les médias, pour un festival de BD à venir, à séparer l'artiste de l'oeuvre afin d'apprécier une exposition d'un auteur reconnu, mais aux propos pour le moins dérangeants, voire nauséabonds sur la pédocriminalité et l'inceste (légitimés puisqu'il s'agit de fantasmes).
Alors, je vous invite à découvrir ou redécouvrir l'oeuvre de Christine Angot, à faire fi de vos réticences quant à sa personnalité et à des propos qu'elle a tenus sur nos écrans, à vous confronter à la réalité de l'inceste dans ses dimensions vécues, triviales et scandaleuses. Cette question-là, de l'artiste, de l'oeuvre, ne sera pas résolue dans l'actualité du moment. Mais, sur ce sujet de l'inceste, il me paraît incontournable de laisser la place aux mots de l'expérience, aussi difficiles soient-ils à lire et à entendre, et de museler, autant que faire se peut, les autres paroles, que rien, pas même le fait qu'elles ressortent du fantasme, ne peut valider. Laurence (le 14 décembre 2022)